J'ai opéré hier un voyage dans le temps lors d'une visite dans le somptueux cimetière du Père Lachaise, un lieu auquel je suis fidèle depuis toujours. J'en connais les moindres allées, toutes les divisions, les recoins secrets. J'y ai déjà pris des centaines de photos mais chaque fois que j'y retourne, je découvre de nouvelles merveilles. Cette fois, armé d'un boitier argentique pas très récent et d'un film assez expiré (ce qui est tout à fait dans le ton !), j'ai apporté un regard vieux d'un siècle sur des représentations angéliques, païennes, végétales qui existaient déjà en 1900. La quiétude et la sérénité étaient de mise dans ce temple des morts aussi beau que sacré. | |
Le Cirque des Mirages, c'est un voyage immobile dans l'imaginaire.
Mariage entre musique, théâtre, humour et poésie, ce spectacle haut en couleurs n'est pourtant animé que par deux interprètes : un pianiste taciturne qui tourne parfois vers le public un visage blasé de chat fâché et un grand escogriffe en noir, habité par des contes qu'il fait vivre au public comme un film. Le Cirque des Mirages est avant tout musical, tourbillonnant entre ambiances de cabaret et véritables bandes originales qui ponctuent des récits tour à tour comiques, fantasmagoriques, fantastiques, romantiques, crépusculaires. Les évocations imagées par une verve acrobatique donnent à voir des tableaux qui n'existent pas mais que l'on jurerait a avoir vus : Le Cirque des Mirages porte bien son nom. Les mélodies s'emballent parfois, s'interrompent, reprennent de plus belles : un art de la rupture maîtrisé, particulièrement efficace dans les plus longs tableaux. Parfois, le piano se fait bruiteur : pantomimes, jeux de cartes que l'on bat, coups frappés à la porte, étreintes de fantômes ... L'ambiance est volontairement démodée, ancrée dans un passé mystérieux, quelque part entre Eugène Sue, Stevenson, Hoffmann et Kafka. L'impérieux Yanowski au micro entame son récital en prenant le public à témoin : nous ne sommes plus dans une salle de spectacle en 2017 mais dans un caboulot borgne. Nous sommes même dépossédés de nos identités, puisqu'il dresse nos portraits : voyous de bas étage, prostituées, marlous, mendiants, nous avons tous "accompli les pires forfaits pour payer notre ticket !". Charmant ! Mais le voyage a commencé et sans y prendre garde, nous avons déjà été happés pour une bonne heure et demi dans l'imaginaire coloré vintage du Cirque des Mirages. Yanowski change de personnage à chaque tableau : montreur de monstres, diable, poète maudit, amoureux nostalgique, gangster, autant de figures littéraires incarnées avec une force et une puissance théâtrale ... Assez dignes de Jacques Brel. Yanoswki se donne au moins autant, totalement habité, halluciné mais précis, toujours juste. Chantant ou jouant tour à tour d'une voix forte et timbrée, qui se fait parfois plus douce lorsque viennent de jolies complaintes sur l'amour. Les décors sont ad'hoc : Londres en 1887, mansardes, cimetières, bars clandestins, bordels... Aucun artifice, juste quelques accessoires : l'expressionnisme poétique de l'interprète, l'humour omniprésent et le pianiste complice font le travail avec brio. Le Cirque des Mirage existe depuis quinze ans. Sa singularité lui a permis de fidéliser un public frénétique entièrement acquis. Lors de leurs rares concerts à Paris et en province, il demeure en ébullition permanente. Il applaudit à tout rompre dès le premier tableau et ne s'arrête jamais jusqu'aux rappels. Il a parfois tendance à passer sur quelques pitreries faciles, peccadilles dans ce maelström musical et théâtral survolté. Plus qu'un spectacle hors du temps, c'est une expérience sensorielle et imaginaire, et la représentation du 27 Mai 2017 au Bal Blomet devant une salle comble ne le dément pas. M'étant replongé dans la poésie d'Arthur Rimbaud depuis quelques mois après une longue accalmie, j'ai été frappé par l'incroyable tourbillon poétique de cette oeuvre qui dynamite volontiers la langue française. J'ai longuement écouté la passionnante émission de France Culture qui lui était dédiée ("Rimbaud en Mille Morceaux") et qui explore sa vie et son oeuvre à travers des extraits de conférences, des interviews et des lectures, comme celle-ci, extrêmement intense, de Jean Marais (voir plus bas). Arthur Rimbaud demeure un mystère. Sa trajectoire poétique, brève et fulgurante s'inscrit aussi dans une exploration de son style et de ses inspirations menée à son terme jusqu'au départ pour l'Aventure. Depuis les poèmes sylvestres et cristallins des années 1870 jusques aux Illuminations, l'affirmation d'une quête à la fois mystique et sensitive se précise et se densifie jusqu'à devenir cryptique. Pourtant, cette fragmentation du texte, ces trouvailles insensées, ces images et ces métaphores dissimulent des voyages et des inspirations fortes et riches de sens. La musicalité de ses vers méritait un écrin que je lui offre depuis quelques semaines. Trois poèmes sont enregistrés. D'autres suivront je l'espère... J'en livrerai peut-être, un jour, quelques extraits, mais pour l'instant, je réserve leur écoute aux ami(e)s. J'ai tenté de suivre leur thématique et leur musique en gardant à l'esprit, à chaque instant, les préceptes de cette Lettre, lue par Jean Marais : J'ai joué avec mon groupe Camera Men le 29 Avril sur La Dame de Canton.
Un beau concert sur cette jonque atypique, qui a réunit une salle pleine et enthousiaste ! Nous avons joué treize titres dont trois de MoonCCat (Morganella Morganii, Le Poison, Phantom Wooer). Bientôt, nous diffuserons un clip de cette soirée rock et poétique ! Merci à tous ceux et toutes celles qui sont venu nous voir. |
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Décembre 2022
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