Mariage entre musique, théâtre, humour et poésie, ce spectacle haut en couleurs
n'est pourtant animé que par deux interprètes : un pianiste taciturne qui tourne parfois vers le public un visage blasé de chat fâché et un grand escogriffe en noir, habité par des contes qu'il fait vivre au public comme un film.
Le Cirque des Mirages est avant tout musical, tourbillonnant entre ambiances de cabaret
et véritables bandes originales qui ponctuent des récits tour à tour comiques, fantasmagoriques, fantastiques, romantiques, crépusculaires.
Les évocations imagées par une verve acrobatique donnent à voir des tableaux
qui n'existent pas mais que l'on jurerait a avoir vus : Le Cirque des Mirages porte bien son nom.
Les mélodies s'emballent parfois, s'interrompent, reprennent de plus belles :
un art de la rupture maîtrisé, particulièrement efficace dans les plus longs tableaux.
Parfois, le piano se fait bruiteur : pantomimes, jeux de cartes que l'on bat, coups frappés à la porte, étreintes de fantômes ... L'ambiance est volontairement démodée, ancrée dans un passé mystérieux, quelque part entre Eugène Sue, Stevenson, Hoffmann et Kafka.
L'impérieux Yanowski au micro entame son récital en prenant le public à témoin :
nous ne sommes plus dans une salle de spectacle en 2017 mais dans un caboulot borgne. Nous sommes même dépossédés de nos identités, puisqu'il dresse nos portraits : voyous de bas étage, prostituées, marlous, mendiants, nous avons tous "accompli les pires forfaits pour payer notre ticket !". Charmant !
Mais le voyage a commencé et sans y prendre garde, nous avons déjà été happés
pour une bonne heure et demi dans l'imaginaire coloré vintage du Cirque des Mirages. Yanowski change de personnage à chaque tableau : montreur de monstres, diable, poète maudit, amoureux nostalgique, gangster, autant de figures littéraires incarnées avec une force et une puissance théâtrale ... Assez dignes de Jacques Brel.
Yanoswki se donne au moins autant, totalement habité, halluciné mais précis, toujours juste. Chantant ou jouant tour à tour d'une voix forte et timbrée, qui se fait parfois plus douce lorsque viennent de jolies complaintes sur l'amour.
Les décors sont ad'hoc : Londres en 1887, mansardes, cimetières, bars clandestins, bordels... Aucun artifice, juste quelques accessoires : l'expressionnisme poétique
de l'interprète, l'humour omniprésent et le pianiste complice font le travail avec brio.
Le Cirque des Mirage existe depuis quinze ans. Sa singularité lui a permis de fidéliser
un public frénétique entièrement acquis. Lors de leurs rares concerts à Paris
et en province, il demeure en ébullition permanente. Il applaudit à tout rompre
dès le premier tableau et ne s'arrête jamais jusqu'aux rappels. Il a parfois tendance
à passer sur quelques pitreries faciles, peccadilles dans ce maelström musical
et théâtral survolté.
Plus qu'un spectacle hors du temps, c'est une expérience sensorielle et imaginaire,
et la représentation du 27 Mai 2017 au Bal Blomet devant une salle comble
ne le dément pas.