exprime non seulement une émotion puissante et unique, mais aussi un savoir-faire technique
afin de lui offrir un écrin. C'est un sentiment sculpté durant des jours, des semaines,
des mois parfois, avec la poésie et l'art comme seuls outils.
Si une création est gratuite ...
... C'est qu'elle n'a pas de valeur. Les gens n'accordent aucune valeur à ce qui est gratuit.
Réfléchissons : dans la vie réelle, les seules choses gratuites ce sont des tracts, des spots de pub,
des choses que l'on jette et que l'on oublie, que l'on relègue dans la poubelle de son esprit...
Comment respecter ce que l'on n'a pas acheté ?
Dès lors pour l'artiste, pourquoi sacrifier une création artistique, ce fruit unique (presqu'un enfant) sur l'autel ignoble de la gratuité ? Procéder ainsi revient à tuer sa progéniture, à l'abandonner
dans un no man's land peuplé de chiens affamés, pour qui tout est bon à manger tant que c'est offert. Aucun choix, aucune distinction, aucune préférence, aucun discernement.
De la sauvagerie... Destructrice pour un créateur.
Lorsque les chansons de MoonCCat étaient en écoute libre et intégrale, les statistiques étaient impressionnantes : des milliers de lectures et des titres que l'on retrouvait sur de nombreux sites Internet. Depuis, un EP et album sont disponibles, avec de nouvelles chansons.
Dire que l'on est passé de tout à rien ne serait pas trop exagéré.
Il y a bien d'autres artistes qui vivent actuellement le même scénario.
La musique n'est pas un robinet
Elle ne coule pas dès que l'on ouvre un lecteur, créée comme par magie par des programmeurs
(quoique ... Mais nous parlons ici des vraies créations analogiques, pas d'informatique).
Ce rapport au tout gratuit anéantit l'attention et l'exigence du public.
Aujourd'hui, la plupart des gens écoute la musique en streaming.
On croyait avoir touché le fond de la qualité audio avec le format MP3, avec le CD. Ce n'était rien à coté du steaming qui écrase, compresse, concasse, uniformise et va même jusqu'à faire disparaître certains instruments ! ... Sans que personne ne s'en plaigne.
Il est presque inutile de réaliser un mixage, il sera de toute manière uniformisé et aplati par le streaming.
Nivellement pas le bas est un euphémisme car plus personne n'est choqué : ni par l'abondance gratuite, ni par l'ignoble qualité audio du streaming.
C'est entré dans les moeurs, le formatage des cervelles a parfaitement fonctionné.
A force de manger de la fiente, on fini par s'y habituer. Normal, c'est gratuit !
Ecoutez un disque vinyle
... Et vous aurez la sensation de découvrir la musique. Comme si la lumière venait brusquement éclairer un objet jusqu'alors resté dans l'ombre. On en découvre alors toutes les facettes.
Tous les jeux de lumière. Tout le relief.
Le son est riche, profond, complexe, entier. A l'inverse d'un CD, d'un fichier audio classique
et encore pire, du streaming qui propose un son plat et déshumanisé, froid, sans âme, idiot.
Un comble pour une création musicale humaine, remâchée par l'exigence de la dématérialisation !
Alors voilà, le tout gratuit rime avec infamie : l'abondance nuit à la qualité, qui oui, prend plus de place...
De la place physique, de la place dans les cœurs, de la place dans le temps.
Car on peut se plonger dans une écoute sans faire autre chose, comme dans un livre.
Si elle est assez riche... Si l'on peut en discerner les nuances et les émotions...
Bien plus difficile, voire impossible, avec du streaming ou un album informatisé, programmé avec des boucles. La capacité d'appréciation, d'exigence, a-t-elle donc totalement disparue ?
Le début avant la fin
Plus de temps pour rien, pour personne. Tout doit aller toujours plus vite et se terminer avant même d'avoir commencé.
Plus de place : tout est stocké sur Internet. Ne surtout plus contempler une belle pochette,
lire un livret ou les sillons noirs d'un vinyle. Les étagères doivent être vides !
Pour y ranger quoi ? Des téléphones ?
Les créations artistiques et la musique ne doivent plus bénéficier d'existence physique. Interdit ! Forbiden ! Au trou !
Tout doit disparaître !
Ce slogan commercial préside désormais aux vies de chaque individu, qui paradoxalement,
rejette majoritairement toute création artistique analogique, tout support,
toute création qui ne soit pas gratuite (c'est aussi valable pour les photographies)...
Chaque chose doit s'oublier vite... pour faire de la place à la suite.
Contemplez les rayons dépeuplés des derniers disquaires, des dernières librairies.
De peur de ne surtout rien rater, l'on passe à coté de tout, comme un bolide lancé à toute vitesse
qui rase de beaux paysages et n'a qu'une ligne d'horizon unique et monotone
comme seule vision, comme seul avenir.
Le rapport des gens avec l'art s'est dilué dans Internet.
L'abondance et la gratuité ont émoussé l'exigence. Comme si la nourriture n'avait plus de goût,
comme si elle était gratuite et que l'on s'en goinfrait, sans jamais être rassasié,
plus vorace que des chiens affamés, mais sans aucun souvenir de l'arôme d'un vrai fruit.
La comparaison est rude mais ne parle-t-on pas de nourritures intellectuelles ?
L'avenir artistique est sombre. Et pour terminer sur une note personnelle, ce que tout cela m'a appris avec MoonCCat et Little Girl, c'est que poésie, photographie, musique, nobles créations,
ne sont pas des os que l'on donne à ronger.
Je préfère garder la plupart de mes modestes oeuvres analogiques intactes et inconnues,
plutôt que les déverser gratuitement dans cette fosse à purin qu'est Internet et le tout gratuit.