La Muse Verte

La Muse Verte. Albert Maignan.

J'ai enregistré hier soir un nouveau titre pour l'album à venir "Absinthe". Mise en musique de "Absinthe : havre de paix", sonnet de ma composition extrait du recueil "Miroirs des Nuits Tragiques".
Un accompagnement simple au violoncelle en Do mineur avec quelques percussions rythment une interprétation plutôt grave (c'est ce qu'il m'a semblé en mixant...).
Je songe souvent à ce tableau de Albert Maignan tandis que j'avance sur ce projet. Il est saisissant, tellement il synthétise l'attraction ensorcelante de l'absinthe sur l'artiste. L'expression de son visage est troublante de vérité.
J'ai récemment découvert un extrait  de son journal, écrit alors qu'il terminait sa toile, où l'on apprend que les traits du jeune poète ne sont pas ceux d'un inconnu :

5 avril 1895
"J’ai envoyé hier mes tableaux. L’absinthe que j’intitule La Muse verte a été terminée mardi. J’ai recueilli quelques impressions entre autres celles de Benjamin Constant. 

Je crois que mes intentions portent. Beaucoup de gens qui ont connu notre cher Charles-Bitte ont cru le reconnaître dans la figure du jeune homme. Il est vrai que j’y ai tant pensé en y travaillant que sans y prendre garde ma main a fini par retracer ses traits. 
​Je m’étais même dit quelquefois que je devrais bien faire pour lui un tableau comme celui que Gustave Moreau a peint à la mémoire de Chassériau.
​Je pourrais peindre un jeune artiste, la Mort sous la forme d’une triste figure voilée viendrait lui frapper sur l’épaule et semblerait lui dire « partons ! », le jeune homme frissonnerait et jetterait un regard désespéré sur l’œuvre qu’il doit abandonner. Je me disais cela en peignant la figure de mon tableau et peu à peu elle finissait par ressembler à l’autre. Je vois que pas mal de gens s’en sont aperçus et cela m’a un peu troublé et m’a fait en même temps un certain plaisir, il me semblait que c’était une sorte d’hommage que je lui rendais que cette obsession même de son souvenir. J’ai eu quelque peine à trouver la tête de la femme, c’est une gitane que Bussy protège qui m’en a fourni les traits et elle a bien voulu par complaisance me poser deux séances.".

Je profite de ce message pour signaler
la parution du premier livre dédié à ce peintre aujourd'hui méconnu aux éditions Norma.
​On peut y découvrir son travail architectural, notamment au restaurant de la gare de Lyon, Le Train Bleu.