S'il existe un disque maudit des Doors, c'est bien "Other Voices".
Sorti en octobre 1971 dans l'indifférence, juste après la mort de Jim Morrison, il comprend huit titres qui devaient être interprétés par leur chanteur à son retour aux Etats-Unis. Les musiciens avaient commencé à les composer et à les répéter sans lui.
Le destin en avait décidé autrement.
Le résultat, loin d'être désastreux est très intéressant dans le sens où il opère un tournant dans le style du groupe.
Cela tient à un mélange des genres (blues, rock, psyché...) le tout soutenu par Jerry Scheff, bassiste d'Elvis Presley que l'on avait déjà entendu sur leur précédent opus "LA Woman" ainsi qu'à une ambiance très prticulière pour un disque des Doors.
Etrangement et malgré les conditions, les compositions sont plus ensoleillées que jamais, pleines d'optimisme. Elles reflètent les esprits éclairés par la méditation de Manzarek, Krieger et Densmore. Comme si Jim Morrison, éternel soleil noir, avait jusqu'ici éclipsé leur lumière.
Les disques des Doors sont tous un peu chargés de détresse, de mélancolie, d'une charge émotionnelle lourde... De tout ce qui hantait le poète James Douglas Morrison. Et de tout ce qu'il transmettait dans son interprétation impressionnante.
Alors "Other Voices", c'est un peu comme si le lourd rideau d'une chambre obscure était brusquement tiré pour laisser entrer le soleil. Les chansons prônent l'ouverture d'esprit, la nature, l'évasion... des valeurs un peu hippies finalement. On y gagne en luminosité ce que l'on perd en interprétation vocale.
Car pour remplacer Jim Morrison, la voix claire de Robby Krieger et celle, caverneuse, de Ray Manzarek tentent d'habiter les titres. Tout est techniquement parfait, et il y a même des intentions et une belle harmonie en duo. Le coté vocal se fait léger et caressant. On est loin des cris de bête blessée, des envolées et des plongeons vocaux dans les ténèbres de Jim Morrison. Mais elles n'auraient de toute manière pas été souhaitables sur ce disque, qui renferme des pépites faites pour briller simplement.
"Other Voices" porte bien son nom. C'est le disque de la libération, car malgré la douleur de musiciens qui viennent de perdre leur chanteur, on sent une certaine détente, quelque chose d'alerte et de gai à l'idée d'un nouveau départ, le tout avec ce son "Doors" si caractéristique. Ce n'est pas un requiem mais presque une ode à la joie.
Il aurait mérité d'être suivi de bien d'autres opus.
MoonCCat
Ecoute sur Youtube : http://youtu.be/tJn-u3INw8Y mais je conseille un bon vinyle.
Epilogue
L'année suivante, The Doors sort son ultime album de compositions : "Full Circle", dont il sera prochainement question ici.
Puis, en 1978, comme si décidément Jim Morrison continuait à les hanter, les trois musiciens mettent en musique ses enregistrements de poésie. L'album s'appellera "American Prayer".
Au total, trois disques sans leur chanteur qui, pourtant, a continué à exercer une forte influence sur son groupe même après sa mort.