Depuis le plus longtemps qu'il m'en souvienne... eh bien les portes se sont toujours fermées devant moi. C'est une entrée en matière qui confine à "allez vous-en". Je l'assume. Elle préside à bien des choses... Je continue :
Avec un systématisme que j'ai parfois interprété comme une malédiction. Que voulez-vous, à force de se perdre en interrogations, en remises en question, on s'oriente vers la croyance, faute de réponses ancillaires !
Pourtant, bien des poètes et sacrés écrivains ont éprouvé ces turpitudes de tous temps. A ce point ? Je rivalise ! Mieux, je revendique !
Je les éprouve depuis longtemps, âge précoce auquel j'ai eu la faiblesse de croire à mes premiers poèmes, à un talent, encouragé par un fluctuant public enthousiaste.
Je faisais parvenir des œuvres tapées de nuit sur la vieille Remington de la grand-mère, à des éditeurs plus ou moins sérieux, je les publiais dans des revues...
Et puis, ces portes que j'imaginais grandes ouvertes se sont refermées doucement... Sans commentaire, sans observation, dans le silence absolu et assourdissant de l'indifférence.
C'était l'amorce d'une détonation, celle d'une course qui n'a jamais eu lieu !
Un leitmotiv qui se grave au fer rouge et qui allait s'imprimer dans ma vie comme une matrice.
Aujourd'hui, 28 ans plus tard, le scénario se répète inlassablement. Je renouvelle pourtant (et en améliorant je l'espère !) des productions artistiques trop abondantes pour être honnêtes ! Quelque chose ne tourne pas rond au royaume des oiseaux (!).
Mieux... Le scénario se multiplie comme une guigne, une vraie teigne ! Il s'enrichit. Il s'harmonise ! Ma situation désastreuse semble l'inspirer.
Eh oui, malheureusement pour moi, mes champs d'action artistiques se sont considérablement élargis à la faveur d'inspirations et de lectures (toxiques) : musique, romans, photographie, cinéma, spiritueux.
Mon plus grand malheur : Je suis à l'aise dans tous ces bains sulfureux.
La réaction est constante et unilatérale : rejet systématique, de la part du public comme des professionnels... Non.
C'est devenu un acronyme, un sigle, un étendard dressé sur chacun de mes matins. Sur mes nuits. Il flotte au vent. Même lorsqu'il n'y a pas de vent.
Je pensais au début que que ma génération n'était pas forcément prête à accueillir ce que j'interprétais comme de "l'avant gardisme". Puis, le temps qui passe et la répétition m'ont enseigné que les générations, l'éducation, la fonte des glaces, ou toutes les excuses que je pouvais imaginer pour me rassurer n'y étaient pour rien.
La raison est bien simple : un manque flagrant de talent et d'originalité. Il est autrement impossible en trente ans de se faire éconduire systématiquement. J'ai étudié les statistiques : c'est impossible. Je défie la science et les techniques, c'est certainement mon unique mérite. Je n'invente rien. Comparez.
Je suis un canard qui se rêvait albatros. Je fais "coin coin" dans une mare lorsque je rêve de houles et de hauteurs. Dès lors, tout s'explique avec clarté. Pourquoi, depuis près de trente années, je tente d'intéresser une poignée d'amateurs de poésie, de musique, de spiritueux, en vain lorsque le monde rêve de pets ?
Je n'ai pas d'ambition démesurée : dix, cinq, une poignée individus, un (je revois mes exigences comptables à la baisse chaque année , la balance penche en faveur d'un bilan désastreux).
Pas grand chose finalement : des égarés, des éconduits, des fous et des originaux... Mais c'est encore trop espérer. Ils n'existent pas, ces maigres trois amateurs imaginaires dont je rêve, ailleurs que dans mon esprit, malheureusement.
J'ai même tenté plusieurs associations. Le résultat est encore pire. Enfin, si l'on peut attribuer une échelle de qualité au néant.
Je crois que je le puis et dans le royaume de l'Hadès, détrôner le bon souverain.
Vivre avec ces centaines de textes, de chansons, de photographies, sans qu'aucun d'entre eux n'aient jamais trouvé de havre ou d'amateurs (j'en compte six en trente ans, ce qui les sacre... Clochards échoués des arts, dans le sens de l'errance qui s'abîme), c'est trop. Plus cela s'additionne, plus disparaît la constance du verbe "REVER" (palindrome), à l'origine de tout.
Alors je photographie des portes closes, matérialisation tangible d'un monde dans lequel je ne parviens plus à vivre. Il faudra bien sortir de la mare aux canards un jour.
Les pieds devant serait une evasion grandiose.